Marchés Publics

Variante ou prestation supplémentaire ? On fait le point… en 8 points !

Le 11/04/23 par Mathieu BLOSSIER, Consultant-Formateur marchés publics

La terminologie recouvrant ces notions et leur application ont évolué depuis la réforme des règles européennes et nationales en termes de commande publique. Pour CFC Formations, Mathieu BLOSSIER répond à 8 questions que vous vous êtes sans doute déjà posées.

 

 

Ancien juriste spécialisé dans la commande publique, Mathieu BLOSSIER dispose de 20 années d’expérience acquises au sein de différentes entités publiques ou semi-publiques (SEML communale Chelles Avenir, RATP, EPA Plaine de France, SCET, Ile-de-France Construction Durable).

 

Pour CFC Formations, Mathieu BLOSSIER conçoit et anime des formations sur les marchés publics, notamment sur la règlementation générale des marchés publics et l’usage des CCAG, mais aussi sur les accords-cadres, la procédure adaptée, la sous-traitance ainsi que les risques achats.

 

 

 

1. Variante et prestation supplémentaire éventuelle (PSE) : de quoi s’agit-il ?

La variante est une modification, donc une alternative, aux spécifications prévues dans la solution de base telle que décrite dans les documents de la consultation. Elle s’y substitue, si l’acheteur la retient, mais ne s’y ajoute pas. Il s’agit donc d’une offre à part entière pour laquelle l’acheteur applique les critères d’attribution des offres. Le classement final comprend ainsi les deux types d’offres : la réponse à la solution de base et la réponse variante.

 

La prestation supplémentaire éventuelle (PSE) est une prestation supplémentaire que l’acheteur se réserve le droit de commander avant la signature du marché. Le cahier des charges décrit alors les spécifications techniques demandées. La PSE est ainsi l’équivalent de « l’ancienne option technique » du code des marchés publics de 2006. Selon les exigences du règlement de consultation, les soumissionnaires devront répondre, ou non, aux PSE.

 

 

2. Comment une prestation supplémentaire éventuelle (PSE) peut-elle s’ajouter à l’offre de base sans la modifier « en substance » ?

Les PSE qui viennent compléter l’offre de base ne doivent pas remettre celle-ci en cause. Sans être « marginale », une PSE doit rester accessoire en venant « se greffer » sur l’offre de base.

 

Voici quelques exemples de PSE qui ont bien respecté ce positionnement :

  • S’agissant de la restructuration et de la mise en conformité des vestiaires du gymnase d’un collège, le lot « Gros-œuvre – démolition » comportait la PSE suivante : Fourniture et mise en place de deux bâtiments modulaires vestiaires 20 places, 4 douches et 1 sanitaire par module (raccordement compris).
  • S’agissant de la création d’un Relais d’Assistante Maternelle (RAM), le lot « plâtrerie peinture plafonds sols souples » comportait une PSE 1 : Plus-value pour plaques de plâtre anti COV (composés organiques volatils) et une PSE 2 : Plus-value pour sol PVC avec incrustation de formes géométriques.
  • S’agissant d’un marché de service pour la fourniture de repas en liaison froide pour le service restauration d’une commune, il était prévu la PSE suivante : vaisselle jetable biodégradable écologique.
  • S’agissant d’une prestation d’assurances « fourniture automobile et risques annexes, » il était prévu une PSE 1 : assurance marchandises transportées, et une PSE 2 : assurance auto collaborateurs.

 

 

3. Comment les prestations supplémentaires éventuelles (PSE) sont-elles prises en compte lors de l’analyse des offres ?

Le choix d’assortir une ou plusieurs PSE à la solution de base permet à l’acheteur de se réserver la possibilité de retenir certains éléments accessoires à la prestation principale.

 

Cependant, la multiplication des PSE va rendre plus complexe le travail d’analyse des offres.

 

Par exemple, dans l’hypothèse où 3 PSE obligatoires sont prévues, il faudra procéder à huit classements différents des offres remises, en rapport avec les 8 hypothèses possibles :

  • Classement 1 : hypothèse où ne serait retenue que l’offre de base
  • Classement 2 : hypothèse où serait retenue l’offre de base avec la PSE 1
  • Classement 3 : hypothèse où serait retenue l’offre de base avec la PSE 2
  • Classement 4 : hypothèse où serait retenue l’offre de base avec la PSE 3
  • Classement 5 : hypothèse où serait retenue l’offre de base avec les PSE 1 et 2
  • Classement 6 : hypothèse où serait retenue l’offre de base avec les PSE 1 et 3
  • Classement 7 : hypothèse où serait retenue l’offre de base avec les PSE 2 et 3
  • Classement 8 : hypothèse où serait retenue l’offre de base avec les PSE 1, 2 et 3

En conclusion, une multiplicité de PSE multiplie les analyses et peut se transformer en un « casse-tête chinois ».

 

A titre d’exemple lors d’une consultation lancée pour des services particuliers d’assurances, l’offre de base était assortie des 8 PSE suivantes :

  • PSE 1 : Maladie et accident de la vie privée avec franchise de 15 jours
  • PSE 2 : Maladie et accident de la vie privée avec franchise de 30 jours
  • PSE 3 : Maternité et accident de la vie privée sans franchise
  • PSE 4 : Maladie et accident de la vie privée avec franchise de 15 jours
  • PSE 5 : Maladie et accident de la vie privée avec franchise de 30 jours
  • PSE 6 : Maternité et adoption de la vie privée avec franchise de 15 jours
  • PSE 7 : Maladie et accident de la vie privée avec franchise de 30 jours
  • PSE 8 : Maternité et adoption

Nous vous laissons calculer le nombre de solutions à analyser…

 

 

 

4. Comment s’opère l’analyse des prestations supplémentaires éventuelles (PSE) facultatives ?

Une PSE est soit obligatoire si l’acheteur a imposé à tous les candidats de proposer dans leur offre des PSE ou, a contrario, facultative si la réponse à la PSE n’est pas obligatoire.

 

Le traitement des PSE, selon leur nature, sera différent pour leur analyse et leur levée.

 

Nous avons vu ci-dessus comment s’opère l’analyse des PSE obligatoires.

 

S’agissant des PSE facultatives, c’est-à-dire dans l’hypothèse où l’acheteur n’a pas exigé des candidats qu’ils répondent aux PSE dans leur offre, les PSE ne sont pas prises en compte lors de l’analyse des offres : l’acheteur analyse en une seule fois l’ensemble des offres, sans tenir compte des PSE. Il ne pourra décider de retenir les PSE facultatives que si elles sont associées à l’offre retenue après examen des offres. Ce choix est effectué au moment de l’attribution.

 

Par ailleurs, pendant l’exécution du marché, l’acheteur ne peut pas renoncer aux PSE qu’il a retenues.

 

 

 

5. Les candidats sont-ils, par défaut, autorisés à proposer spontanément des variantes ?

Non, c’est l’acheteur qui décide s’il « ouvre à variantes. ».

 

S’il le fait, il doit circonscrire les éléments du cahier des charges sur lesquels les candidats sont autorisés à proposer des solutions alternatives à la solution de base.

La seule mention « les variantes techniques sont autorisées » est « périlleuse » car les entreprises pourraient alors proposer une variante sur n’importe quel aspect du cahier des charges : cela risquerait ainsi de compliquer l’analyse des offres (et la justification des raisons de leur éviction aux candidats non retenus), en ne donnant pas une « assise commune » pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse.

 

A retenir également la différence entre la procédure formalisée et la procédure adaptée pour l’ouverture à variantes :

  • En procédure formalisée : les variantes doivent être expressément autorisées dans l’avis de publicité et le règlement de consultation.
  • En procédure adaptée : les candidats peuvent proposer des variantes, même sans répondre à la solution de base, si l’acheteur ne les a pas expressément refusées dans l’avis de publicité ou le règlement de la consultation.

L’acheteur peut aussi imposer la proposition de variantes en plus de la réponse à la solution de base. Il peut donc lui-même définir précisément la variante attendue ; par exemple : un circuit alternatif de la conduite d’évacuation des eaux à installer.

 

 

 

6. Sur quels éléments du cahier des charges l’acheteur peut-il choisir d’ouvrir à variantes ?

Contrairement à une idée reçue, il peut s’agir de différents aspects du cahier des charges.

 

Avant tout, les aspects techniques, par exemple :

  • Longévité des produits ou des ouvrages
  • Utilisation d’un matériau différent pour un résultat identique (par exemple, des fenêtres en PVC et non en aluminium)
  • Optimisation des conditions de maintenance ou d’entretien

 

Mais il peut aussi s’agir d’aspects financiers, par exemple :

  • Une offre plus compétitive avec un taux d’avance de trésorerie différent que celui proposé dans la solution de base
  • Un prix réduit si l’acheteur s’engage à respecter un délai de paiement plus court que le délai maximal prévu par la réglementation
  • Dans un accord-cadre, un prix dégressif à partir du moment où le minimum de commandes aura été atteint

 

Enfin, il peut s’agir d’aspects sociaux et environnementaux, par exemple :

  • Pour un marché de nettoyage des locaux : amélioration des conditions de travail des personnels œuvrant
  • Pour un marché de travaux de terrassement : optimisation de la gestion des déchets ainsi que de leur réutilisation ou incitant à l’utilisation de matériaux moins impactant pour l’environnement

 

 

 

7. Comment intégrer les variantes dans le processus d’analyse des offres ?

Les offres de base et les variantes, que celles-ci soient imposées ou autorisées, sont jugées en une seule fois sur la base des mêmes critères pondérés et selon les mêmes modalités, tels que définis dans les documents de la consultation : les offres variantes ont donc en elles-mêmes la même valeur que la réponse à l’offre de base.

 

Qu’elle soit imposée ou simplement autorisée, la variante se caractérise par deux éléments :

  • D’une part, si elle est retenue, elle se substitue à la solution de base décrite dans les documents de la consultation, dans ses éléments qui en diffèrent. Lors de la signature du marché public, le MOA doit donc veiller à bien identifier l’offre choisie, en précisant s’il retient la variante et, le cas échéant, laquelle, ou l’offre de base.
  • D’autre part, le choix de retenir une variante ne découle que de l’application des critères d’attribution qui permettent de considérer qu’elle est économiquement la plus avantageuse parmi l’ensemble des offres de base et des variantes présentées.

Dans les deux cas, il est conseillé aux acheteurs de définir des critères d’attribution suffisamment ouverts et précis – ce qui n’est pas paradoxal – permettant de comparer la réponse à la solution de base et celles aux offres variantes.

 

 

 

8. Puisque cela allonge et complexifie le temps de l’analyse, quel est l’intérêt d’ouvrir à variantes ?

Il est vrai qu’une multiplicité de variantes peut complexifier le travail d’analyse des offres, en termes de temps à passer pour comparer les solutions techniques proposées. Et l’acheteur public doit nécessairement ajuster au plus juste son besoin dans le cahier des charges, comme le précise l’article L.2111-1 du code de la commande publique.

 

Cependant, il ne peut pas toujours être au fait des innovations techniques et technologiques développées par les fournisseurs, sauf à avoir procédé à un sourçing et à des investigations approfondies avant le lancement de la consultation. Par exemple, s’agissant de travaux de réhabilitation d’un bâtiment, l’acheteur pourrait prévoir la variante suivante : autres matériaux que ceux décrits dans le cahier des charges, avec des performances au moins équivalentes.

 

Le choix de l’ouverture à variantes permet donc à l’acheteur de faire appel à l’expertise et à l’expérience des entreprises.

 

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Cliquez ici pour lire la 2ème partie de cet article sur les options

 

 

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