Achats publics

Décret d’application de l’article 35 de la loi Climat & résilience : Quels impacts pour les acheteurs publics ?

Le 29/06/22 par Patrice RASSOU, Directeur de projets marchés publics au sein de l’Etablissement Public Foncier d’Ile-de-France (EPFIF)

 

 

Directeur de projets marchés publics au sein de l’Etablissement Public Foncier d’Ile-de-France (EPFIF), Patrice RASSOU est également le référent pour l’EPFIF de la Direction des Achats de l’Etat (DAE) auprès duquel il assure un reporting régulier et contribue aux réflexions stratégiques en matière d’achats publics. Pour CFC Formations, Patrice RASSOU anime des formations sur le thème des marchés de fournitures et de services, sur le pilotage de la performance et de l’efficience achats, ainsi que sur l’actualité des marchés publics.

 

 

 

 

Le décret d’application de l’article 35 de la loi « Climat & résilience » a été publié au Journal officiel du 3 mai 2022. Pour mieux comprendre les conséquences, les risques et les opportunités apportés par ce décret, nous avons interrogé notre formateur et expert Patrice RASSOU.

 

CFC Formations : La publication de ce décret, venant concrétiser des éléments clés de la Loi Climat et Résilience d’août 2021, a logiquement suscité beaucoup d’attention et de réaction. En résumé, que peut-on dire de la philosophie générale de ce décret, selon vous ? Quels en sont les principaux points d’attention ?

Patrice RASSOU : Sur la matière de la commande publique, la philosophie générale de ce décret est de prolonger la dynamique amorcée il y a plusieurs années maintenant, sur la nécessaire prise en compte du développement durable dans les achats publics. Nous pouvons constater que les différentes réformes renforcent les obligations mises à la charge des acheteurs publics. Le décret d’application de l’article 35 de la loi « Climat & résilience » vient dès lors appuyer ces obligations en élargissant le champ des collectivités éligibles à l’élaboration d’un schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (SPASER) en abaissant le seuil de volume d’achats annuels de 100 à 50 millions d’euros. Par ailleurs, La suppression du critère unique, mesure phare de ce décret, remet en question la philosophie et la manière de concevoir l’analyse des offres.

 

 

« La suppression du critère unique, mesure phare de ce décret, remet en question la philosophie et la manière de concevoir l’analyse des offres. »

 

Quand on parle des achats durables, il s’agit autant de la dimension environnementale que de la dimension sociale. Dans ce décret, ces deux volets sont-ils traités de la même manière ?

Il y a clairement une différence de traitement entre ces deux dimensions. On comprend très vite que la volonté a été ici de promouvoir le pan environnemental du développement durable. Les enjeux climatiques portés par la commande publique sont au centre de ce décret.

C’est ce que ce laisse comprendre le 1°, disposant que le critère unique du coût peut être appréhendé en approche globale, en prenant en compte le coût du cycle de vie dont le contenu est précisé à l’article R2152-9. Cette lecture croisée permet de rapidement conclure que la dimension environnementale est au cœur du débat, ces dispositions évoquant des notions de coûts de collecte, de recyclage, d’externalités environnementales, d’émission de gaz à effet de serre ou autres émissions polluantes ou d’autres coûts d’atténuation du changement climatique.

La refonte de l’article R2152-7 tente de gommer ce déséquilibre, en apposant dans la même liste, la prise en compte de critères liés aux aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux…sans y parvenir.

 

 

Concernant les dispositions prévues pour la mise en œuvre des mesures et des objectifs affichés par le décret, est-ce qu’elles répondent aux attentes des acheteurs en charge de leur application ?

Je ne pense pas. A titre de comparaison, les CCAG 2021 avaient déjà introduit des clauses types mais qui laissaient malgré tout le soin aux rédacteurs d’adapter leurs marchés. Les CCAG n’ont certes, pas la même portée, qui demeurent des clés rédactionnelles à destination des acheteurs. Pour autant, on ne peut qu’apprécier la volonté de mettre à leur disposition des outils de « terrain », applicables dans leur quotidien. Le décret pose des obligations et des principes, sans pour autant en donner la contrepartie espérée : les outils.

Il est à noter que ces dispositions entreront en vigueur au plus tard à la date fixée par la loi Climat, soit en août 2026. Néanmoins, le décret précise que l’entrée en vigueur de ces dispositions pourra toujours être avancée en fonction du degré de maturité des différents secteurs d’activité et segments d’achat concernés. Nous pouvons espérer que le délai accordé permettra de travailler sur ces outils afin de se conformer efficacement à ces obligations.

 

 

Et du côté des opérateurs économiques, quels sont les impacts de ce décret ? Existe-t-il un risque d’une baisse du nombre de candidats aux marchés publics, ou dans la phase d’exécution ?

Ce décret est censé générer des effets vertueux et protecteurs du développement durable. Néanmoins, il ne faut pas omettre que la commande publique constitue le point de rencontre entre l’offre et la demande. Ce tuilage parfait nécessite un repositionnement et une remise en questionnement perpétuels afin de ne pas créer de décalage. D’où l’intérêt de développer un sourcing de qualité afin d’anticiper ces questions en accompagnant les acteurs du secteur économique en leur communiquant nos impératifs et la manière de les satisfaire.

 

 

« Il faut travailler en mode projet, afin que chaque marché puisse permettre un retour d’expérience alimentant le suivi. »

 

Quelles sont vos recommandations, pour les acheteurs, en termes de bonnes pratiques ou de méthodes, pour respecter ces nouvelles obligations sans prendre de risque et sans affecter la performance achats ?

Il est nécessaire de procéder par étape, et de monter progressivement en puissance, soit au niveau de la pondération, soit au niveau du caractère discriminant des critères. Ces étapes préalables favoriseront fatalement une bonne appréhension et un bon accueil afin de ne pas restreindre la concurrence et de fausser l’exécution en mettant à la charge des titulaires des obligations impossibles à tenir. D’autant plus que si l’on veut être cohérent, il serait logique d’assortir leur non-respect de pénalités. Il faut travailler en mode projet, afin que chaque marché puisse permettre un retour d’expérience alimentant le suivi afin de corriger le tir ou dans le meilleur des cas, monter en puissance suite à un bon accueil. C’est une question d’équilibre !

 

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